Racisme
Que veut dire être raciste ? Souvent, ce mot n’est pas utilisé d’une façon appropriée. Il faut essayer de comprendre ce qu’on ressent quand on dit, ou qu’on pense, qu’on est raciste. Généralement, c’est qu’on a peur ou qu’on se sent en insécurité. Il faut alors essayer d’identifier cette peur. De quoi a-t-on peur ? D’être attaqué dans la rue, d’être tué ou blessé, de souffrir ? D’être volé, de perdre les choses auxquelles on est attaché, nos possessions ? De perdre notre confort, nos libertés, notre sentiment de sécurité ? Ou que cela arrive à nos proches, à notre famille, à nos amis ? On peut se demander alors dans quelle mesure cette peur est vraiment justifiée.
Le racisme signifie que cette peur est dirigée vers un groupe de gens, ceux qui sont différents, qu’on connaît mal, les étrangers, les gens d’autres races, les Noirs, les Arabes, les Chinois, les Juifs, et on développe une haine collective contre ces groupes de gens. Si on a peur d’un groupe de voyous de la même race que nous qui importune les habitants du quartier, dira-t-on qu’on est raciste ? Et si on a peur des chiens, des rats, des serpents, des moustiques ? Bien sûr que non, pourtant c’est la même peur.
Les étrangers qui se réfugient en Europe sont des gens qui souffrent, qui ont dû fuir leur pays en espérant trouver une vie meilleure ailleurs. Il ne faut pas oublier que plus de cinquante millions de gens meurent chaque année dans les pays du tiers monde, de faim ou des conséquences de la misère (autant que tous les morts de la seconde guerre mondiale). Et cette misère est causée par le système économique et politique que les pays riches imposent égoïstement au reste du monde pour essayer de préserver leurs richesses, leur confort et leurs privilèges. Ceux qui cherchent refuge en Europe sont des êtres humains, comme nous, et s’ils se sentent haïs dans leur nouveau pays, ils souffrent encore davantage.
Le racisme est une forme de haine, et la haine une forme de violence ; la haine et la violence engendrent toujours plus de haine et de violence, et créent encore plus de souffrance. Mais la première personne qui souffre, c’est celle qui a de la haine et de la violence dans son cœur, et c’est ce qu’elle va attirer dans sa vie. Comme celui qui a peur des chiens et les déteste, les chiens le sentent et vont l’agresser. C’est la même chose avec les humains. La haine est l’opposé de l’amour, c’est un manque d’amour et de compassion pour les autres, pour certains groupes humains, pour des êtres qui, comme nous, cherchent le bonheur et s’efforcent d’éviter la souffrance.
Ce qu’il faut faire, c’est observer ces sentiments de peur, de haine, de violence, de racisme en nous. Nous les avons tous, plus ou moins virulents selon les circonstances. Il faut commencer par les accueillir avec bienveillance, les reconnaître et les accepter. Cela permet alors de les comprendre et de les transmuter, afin, petit à petit, de retrouver l’amour dans notre cœur et pouvoir ainsi aimer ces gens qui sont différents et qui nous effraient. Si on a l’occasion d’en connaître quelques-uns individuellement, on verra qu’ils sont très gentils. Ce sont des êtres humains, comme nous, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs peines et leurs joies, et leurs problèmes.
Il faut bien se rendre compte qu’on ne pourra jamais trouver de sécurité extérieure, car notre peur est à l’intérieur. Si on chasse les étrangers, c’est autre chose qui nous fera peur. Seuls l’amour et la confiance dans la vie peuvent nous apporter la sécurité, une sécurité intérieure, qu’aucune circonstance extérieure ne pourra ébranler.
Il est illusoire de penser que des partis ou des gouvernements d’extrême droite pourraient nous protéger. Ils sont basés sur la peur et sur des méthodes policières, autoritaires et répressives encore plus dangereuses que l’insécurité qu’ils prétendent éliminer. Ils conduisent au fascisme et à ses excès, et les nombreux exemples de l’histoire nous montrent bien qu’ils ne sont jamais préférables aux démocraties que nous connaissons, même si elles sont loin d’être parfaites.
Pour comprendre et aimer ceux qu’on déteste en bloc, il faut apprendre à les connaître. Pour cela, il faut éviter de s’allier à ceux qui en ont peur et veulent les chasser, ce qui ne ferait que renforcer la peur, la haine et la violence qui nous habitent déjà. Il serait plus judicieux de s’engager avec ceux qui les aident, les organisations qui prennent soin des réfugiés, des sans-abris et de tous ceux qui sont rejetés par la société. C’est la meilleure façon d’ouvrir son cœur, de vaincre sa peur et de réaliser que seuls l’amour et la compassion peuvent créer un monde meilleur où tous les hommes vivront dans la paix intérieure et l’harmonie universelle.
31 janvier 2016, Chiang Mai